Comme le titre de cet article l’indique, j’ai suivi une formation Montessori. C’était du 22 au 26 août à l’école Athena de Bailly avec la formatrice Bénédicte dans l’ambiance des 3-6 ans.
J’y suis allée sans vraiment savoir ce qui m’attendait. J’étais davantage attirée par l’école Athena en elle-même, découverte grâce au blog de
Sylvie Desclaibes, parce qu’il s’agit d’un des rares
lycées Montessori en Europe. Que l’école aille jusqu’au lycée, c’était un très net signe de sérieux pour moi. Le
programme de la formation ne m’a pas particulièrement emballée, il se présentait un peu comme une liste d’ateliers à nous présenter, je me demandais bien ce vers quoi ce genre de présentation allait nous mener… Mais enfin, mon organisme de formation voulait bien prendre en charge la
totalité des frais, les dates et le lieu coïncidaient parfaitement avec notre programme de voyage, je n’ai pas hésité davantage !
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On voit rien d’extraordinaire sur la photo et pourtant… |
La pédagogie Montessori
En arrivant à la formation 3-6 ans, je ne connaissais pas le travail de Maria Montessori que de nom, non-non-non. J’avais
notamment lu L’enfant (je vous invite à cliquer), L’esprit absorbant de l’enfant, ainsi que d’autres articles plus courts.
L’enfant est un livre que je conseillerais à tout jeune parent. Certains le disent un peu vieux, il me semble pourtant qu’il révolutionne encore notre façon de voir l’enfant. Je soupçonne même certains critiques de ne pas avoir saisi toute l’étendue du propos de la doctoresse…
La pédagogie Montessori, du moins ce que j’ai compris, c’est la perception de l’enfant comme une personne particulière. Les deux mots ici sont très importants, je vais expliquer mes deux termes l’un après l’autre.
Percevoir un enfant comme une personne c’est absolument saisir qu’il s’agit d’un individu séparé de nous, des adultes, avec son chemin et ses particularités propres. Comprendre que l’enfant est une personne, c’est lui accorder des droits, des responsabilités et du respect.
J’ai précisé « particulière » parce que l’enfant, vous en conviendrez facilement, n’est pas une personne comme une autre. C’est un être humain en construction, un adulte en devenir. Là où les propos de Maria Montessori sont toujours novateurs, c’est qu’elle décrit l’enfant comme un constructeur, et non plus seulement comme une personne en construction. Vous voyez la différence ? L’enfant vit pour construire l’adulte qu’il sera prochainement, son cerveau et son corps sont organisés pour construire et aller vers l'autonomie. C’est une chose dont il faut tenir compte lorsqu’on veut s’intéresser à l’enfant selon l’oeil de Montessori : l’enfant doit construire, c’est sa nature.
De cette manière, l’enfant diffère complètement de l’adulte dans son fonctionnement. Ce n’est pas seulement un adulte en miniature, ce n’est pas un petit adulte du tout : c’est un enfant. Et un enfant, qui sait vraiment ce dont il s’agit ? Et bien, pas grand monde…
Toute la pédagogie de Maria Montessori est fondée sur cette constatation première : l’enfant est fait pour construire et si l’on touche à sa nature, il ne peut plus construire correctement. C’est pourquoi, la première étape à faire lorsqu’on désire se lancer c’est l’observation. Il faut observer l’enfant, il ne faut surtout pas chercher à le diriger. Seul l’enfant sera nous dire son fonctionnement particulier, parce qu’à nous, il est devenu inconnu (et oui, nous sommes adultes et nous, nous pouvons faire ce que nous voulons ! Mouhahaha !!)
En observant messieurs dames, on arrête de dire des bêtises sur les enfants, on arrête de leur coller des étiquettes qui ne leur correspondent pas. En les observant, on les découvre tout autre que ce dont on nous a fait croire jusque là sur leur compte. Lorsque la Petite Loutre était dans mon ventre, j’étais pleine de préjugés déjà à son propos. Sur le bazar, sur les cris, sur l’ingratitude, sur sa stupidité de gosse. J’ai accouché de ces préjugés en même temps que j’ai accouché d’elle. Parce que ce qui m’a été donné dans les bras était tout autre. J’avais une chose neuve. C’est le besoin de comprendre, de me retrouver un chemin entre une réalité perdue et une réalité vécue, qui m’a dirigé jusqu’aux livres de Maria Montessori. Puis jusqu’à cette formation fin août.
L’enfant Montessori
J’ai longtemps observé ma fille. Je l’ai vue mettre et remettre mille fois un bouchon sur une bouteille, ouvrir et refermer un million de fois le tiroir d’un placard. Je l’ai vue chercher à comprendre où était chaque chose de la maison. Les sortir, puis les ranger. Les oublier, les rechercher, les ranger. Alignées comme des petits soldats parce que par jeu j’avais placé les boîtes de thon de cette façon.
Je l’ai vue vouloir tout faire seule. Je l’ai entendue des fois et des fois (cette fois, je n’ai pas compté) me dire : « Non, à moi ! », ce qui signifiait dans sa langue de bébé Je veux faire seule. Ces mots, résonnaient à chaque battement de son coeur. Je veux manger seule, donne moi les moyens de grandir ! Je veux m’habiller seule, apprends-moi ! Je veux m’exprimer, montre-moi comment faire ! J’ai vu ses yeux gros comme des billes absorber chacun des gestes des adultes qui l’entouraient.
De fil en aiguille, à force d’observations de ma part, et d’explorations de la sienne, j’ai reçu en échange une petite fille Montessori. C’est une enfant qui découvre son environnement autant avec ses yeux qu’avec ses doigts, son nez ou ses oreilles. « T’entends ? », me disait-elle tendue. Et nous cherchions ensemble ce qu’elle avait perçu. Il fallait qu’elle explore tout et partout. Dans la maison, dans la rue, dans l’herbe, dans la forêt, dans un champ, chez les autres… J’ai revu à la hausse ma notion de curiosité.
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On a la chance d’avoir le monde à portée de main ! |
L’enfant Montessori écoute l’adulte parce qu’il sait qu’il a à apprendre de lui. Lorsque je lui demande de ne plus faire de bruit, elle me demande automatiquement pourquoi. L’enfant Montessori obéit au sens, au bon sens, à l’envie de grandir pour s’insérer dans un monde qu’il fera sien. L’enfant Montessori obéit à l’autre, à son bien être, à l’harmonie. On ne ment pas à l’enfant Montessori, on répond à ses questions parce que l’on sait qu’elles continueront à le harceler tant qu’il n’aura pas de réponse. Les apprentissages guident ses pas.
Les sens ont une importance capitale car c’est par les sens que l’enfant Montessori appréhende son environnement. C’est surtout vrai lorsqu’on a un jeune enfant qui a encore peu de connaissances abstraites dans sa propre tête pour réfléchir. Il voit, il touche, il sent, il écoute, c’est ainsi qu’il apprend. Non pas seulement en enregistrant ce que l’adulte veut bien lui révéler du monde.
La progression des ateliers
Mais je sentais bien que cette période simple et paisible touche à présent à sa fin. Ma fille veut apprendre à lire. Tout le temps qu’elle passait à 6 mois à ouvrir et fermer les placards, elle le passe maintenant à recopier les lettres qu’elle trouve. La Loutre me demande d’aller à l’école, mais maintenant même si je le voulais, je ne le pourrais plus. Et puis, elle est encore trop jeune pour faire sa rentrée (elle est de début d’année…). Elle aligne les pêches sur la banquette pour que nous les comptions ensemble. Elle veut être confronter aux chiffres. Elle triche dans son jeu sur la tablette (oui, elle a un jeu sur la tablette, je sais, je suis indigne) pour visiter les grands nombres.
Ma fille a besoin d’un environnement riche en ces deux éléments de base : la lecture, et les nombres. Son besoin d’autonomie la pousse inévitablement dans ces deux directions. Il devenait urgent que j’agisse.
Evidemment que j’avais entendu parlé du matériel de la pédagogie Montessori. « Apprendre en manipulant » oui, c’est bon, c’est pas non plus trop compliqué à comprendre, n’est-ce pas ? Sauf que… sauf que ça veut dire quoi apprendre à lire en manipulant ? Ca veut dire quoi apprendre à compter par les sens ? Je la mets devant une table de Seguin et voilà ?
Franchement, jusque là, les petits ateliers Montessori que je voyais fleurir sur internet ne me convainquaient absolument pas. Et j’ai aujourd’hui, grâce à ma super formation, compris pourquoi !
Les ateliers, ou activités, de la pédagogie Montessori n’ont de sens que lorsqu’ils sont inscrits dans une progression. Une progression : un point de départ, un point d’arrivée, et des péripéties entre.
Je vais revisiter avec vous un atelier qui a complètement foiré chez moi : le tri des billes de couleur dans trois tasses différentes. Pour trier il faut prendre la bille dans sa main (ou dans une pince, ou une cuillère, selon l’atelier), il faut ensuite la mettre correctement dans le récipient cible, il faut encore savoir correctement analyser les couleurs, il faut de plus comparer sa couleur avec celles des récipients… Un nombre de difficultés que j’avais complètement sous-estimé ! J’aurais dû, pour qu’elle réussisse cet atelier, passer auparavant par des activités de transvasement et des activités traitant des couleurs. J’aurais dû, parce que la Petite Loutre douée comme elle l’est toujours, est passée complètement à côté du super truc que je lui avais proposé. Elle a construit autre chose et moi, pauvre maman, j’étais déçue.
Vous allez peut-être me dire : tu lui as proposé ça trop tôt, le mien le fait à la perfection. Et bien comprenez bien ici que ce n’est pas une question d’âge mais bien de progression. Soi votre enfant a la science infuse sans même expérimenter, soi il avait avant d’essayer cet atelier, construit de lui-même les pré-requis pour ledit atelier. Ce n’était pas le cas de ma fille.
Et c’est cela le travail d’un pédagogue en Montessori : identifier tous les pré-requis nécessaires à l’autonomie et inventer des ateliers pour que l’enfant les acquiert. Comme ça, il n’est jamais en difficulté, il peut tout faire tout seul (ou presque !) et il reste super heureux toute son enfance ! C’est-y pas génial ?? ^^
Je vous présente ici un exemple très simple. Le matériel très connu des lettres ou des chiffres rugueux n’a de sens que lorsque votre enfant aura correctement intégré en son sein les notions de lisse et de rugueux. Indépendamment des lettres. Il faut de plus qu’il commence à comprendre que les mots sont formés de plusieurs sons accolés que l’on peut identifier. A partir de là, plus rien ne pourra l’arrêter !
La recherche de la justesse
Plusieurs fois j’ai entendu « Céline, tu es si patiente avec les enfants ! » Patiente, je ne l’ai jamais été. Et je ne le suis toujours pas. Ce n’est pas de la patience, c’est davantage une ambiance. J’ai compris que les enfants ne vivaient pas dans le même monde que nous, par leur nature. Lorsque je vois un petit renverser un verre d’eau, je ne suis pas patiente lorsque je remarque qu’il n’y a aucune éponge à sa portée, mais oui, je suis calme lorsque je vois que l’enfant en question met vingt minutes à essuyer la table. Parce que je sais qu’il est dans l’ambiance de l’apprentissage, tandis que mes compères et moi sommes dans celui de l’acte fait. Il est inutile (voir dangereux) d’essayer de faire entrer un enfant dans le monde des adultes, il est contre productif qu’un adulte s’immisce dans celui de l’enfant. J’ai fait la part des choses.
Ce n’est pas la patience, donc, c’est l’ambiance. L’ambiance des enfants qui font seuls parce qu’ils ont appris ou qu’ils apprennent quelque chose à leur portée. L’ambiance de voir que l’apprentissage est un acte intérieur. Un acte précis. Un acte qui réclame de l’ordre, de la sécurité, de la confiance.
Alors l’adulte part à la recherche de la justesse. Du mot juste. Pour les bébés, cela passe par l’utilisation d’une vraie langue. Tu ne va pas au dodo, tu vas dormir, tu ne vas faire miam miam, tu vas manger. Le respect de l’intelligence. Pour les enfants plus grands, c’est la possibilité d’enrichir leur vocabulaire, de voir que le monde est plus riche que riche et qu’il y a toujours tout à découvrir. Du geste juste. On laisse à l’enfant le temps de former sa main. On lui donne de quoi apprendre par ses sensations. Une vaisselle qui tintinnabule, c’est une vaisselle qui s’entrechoque, et la possibilité de corriger son geste. L’eau qui déborde, la notion des tailles, des volumes. Et l’éponge à côté, le droit de faire encore seul sans personne pour le gronder.
C’est ainsi que petit à petit tout se met en place. Le rangement des activités sur les étagères, pour que chacun sache où les trouver, pour que chacun sache où il en est. Le silence pour pouvoir se concentrer, écouter les bruits sans interférences. Le silence de l’éducateur aussi, pour capter le moindre de ses gestes sans être détourné par la parole. L’absence même de mot parfois, pour lui laisser la possibilité de raisonner par lui-même.
Et maintenant ?
J’étais jusque là passée à côté de cette recherche de la justesse, et c’est ce dont la Petite Loutre a dorénavant besoin. Elle se dirige vers des savoirs qui lui ouvriront les portes de l’abstraction, il ne faut que nous brouillonnons autour d’elle et que nous l’embrouillons. Il est fondamental que ces apprentissages la pénètrent en son coeur. Ce n’est pas une pression, c’est un objectif. Respecter l’ambiance de son apprentissage, observer et comprendre avec justesse ses besoins.
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C’est la lettre préférée de la Loutre ! |
Hier, je lui ai montré en image ce que sont les lettres rugueuses, elle était enthousiaste ! Elles sont donc commandées et la Petite Loutre me demande régulièrement quand nous irons les chercher. Je pense qu’elle est prête. J’ai hâte.