Je vous en avais parlé. Nous voulions partir. A pied. A vélo. A travers la France, l'Europe, le Monde… Une fille de moins de trois ans. Un chien. Des contraintes mais beaucoup de rêves.
Durant ces deux dernières semaines, vous l'avez peut-être remarqué, je me suis absentée. Je suis partie en voyage. Avec l'Explorateur, la Loutre et le Loup. A pied, en train, en stop ? En petite canadienne. 60 litres sur le dos pour les grands. Des sacoches pour Jedi. Un petit sac à dos pour rigoler pour l'adorable. Et rien d'autre.
Ah si ! Ma carte de réduc'.
Je ne vais pas vous dire combien ce fut difficile. Les gares inaccessibles en transport en commun. L'attente. Les 25 km jusqu'au camping. Des transports qui n'acceptent pas les chiens. L'absence de siège-auto dans nos affaires de camping. Les crues, les autoroutes coupées. Les correspondances rompues. Mon allergie à quelque chose qui est dans la tente. Notre chien qui tourne en rond en pleurant car il a peur de nous perdre. “Mais Jedi ! Nous étions dans la voiture !” Non, il n'a pas vu. Il a voulu courir jusqu'à Millau pour nous retrouver, il était sûr que nous étions restées derrière. Et moi, qui ne lui fais même pas de bisous lors de nos retrouvailles ! J'avais trop hâte de me décharger. J'étais fatiguée. Et j'avais chaud et soif.
Et j'ai levé les yeux sur les falaises. Quelle erreur !
Elles étaient immenses. Hors de portée. Un bastion sauvage. Larges comme la voute céleste. Brillantes comme le soleil. Lisses, sans la moindre prises pour mes faibles mains. Poussiéreuses. Aussi âgée que la sagesse. Omniscientes comme la Terre. Le monde est immense, et moi, je ne suis rien. Comment pouvais-je croire, rien qu'une seconde, que je pouvais en faire ma maison ?
Rares sont les fois où je me suis trouvée aussi minuscule.
Mais qui sommes-nous pour rêver ? N'avons-nous pas assez à faire avec notre fille à éduquer, notre chien à nourrir, notre loyer à payer ? Pourquoi voulons-nous de cette autre vie ? Tout est si facile en ce moment. Le bonheur… Le bonheur est en nous. Pourquoi courir après lui, sur un chemin tracé par un torrent quelconque, par un déluge de liberté et de désirs… de respirer ?
Je ne voulais rien dire à l'Explorateur. Je ne voulais pas passer pour une faible. Je ne voulais pas prononcer à voix haute : ça ne va pas être possible. C'est trop difficile pour moi. Trop déséquilibré. Trop hasardeux. Je ne peux pas trop compter sur la générosité des autres. Ce n'est pas au goût du jour et je me sens mal. Car je suis comme Oyun*. Je ne sais rien faire. Je ne fais que rêver, penser, sentir, expérimenter. Mais je ne sais rien faire.
Et le monde n'est pas à ma portée. Je suis trop petite et trop faible. Lorsque je vois Jedi évoluer dans les rochers, je me demande comment mon espèce a pu domestiquer la sienne. Quand je vois sa puissance, sa générosité, son altruisme, la facilité avec laquelle il fait siens les éléments, je me dis que ça aurait dû être l'inverse. On nous ment quelque part, c'est obligé.
Je voudrais une maison aux murs épais. En pierres. Je planterais du lierre tout autour et des légumes dans des cageots à pommes. J'écrirais sur une petite table au Soleil et j'attendrais que les falaises poussent, tout autour de moi, jusqu'à me cacher les lueurs du jour et qu'elles atteignent la Lune.
Je ne voulais rien dire à l'Explorateur. Alors il l'a dit à ma place. “Bon, il faut qu'on trouve autre chose.” J'ai soufflé un bon coup. Autre chose, oui, c'est cela.
Car partir à pied, non, ce n'est pas possible. Ni à vélo d'ailleurs. J'ai bien vu que tout ça, ça ne sera pas possible…
Il faut bien comprendre que nous n'avions pris que le strict minimum. De quoi nous abriter. De quoi manger. De quoi dormir. De quoi nous couvrir. Nous n'avions pas pris de cas-où. Juste ce dont nous étions certains d'avoir besoin. Jedi nous aide à porter mais la Loutre n'est pas encore ni assez grande, ni assez forte pour faire sa part. Elle marche bien un kilomètre par-ci, par-là, mais certainement pas 20 ! Alors nous devions la porter. Le strict minimum et l'adorable sur le dos, ce n'est tout simplement pas possible.
Et puis Jedi… Comment demander de l'aide à quelqu'un lorsqu'on vit avec un Loup ? Le Loup, personne n'en veut chez lui. Il est magnifique. On le prend en photo. On le flatte si l'on n'a pas peur. Mais on n'aide pas ses maîtres. Car qui a un loup est suffisamment fort pour quatre. Et aussi : Loup chez lui, pas chez moi, chacun ses choix. J'ai appris ses dictons en chemin. Il ne sont pas insensés, mais ils ne nous ont pas beaucoup aidé. Enfin et surtout : ils nous rendent les choses impossibles.
Et à vélo alors ? Je n'ose plus y penser. Qui a un loup ne pédale plus.
Je termine cet article avec quelques photos qui vous montrerons que cette remise en question n'a pas gâché nos vacances, loin de là ! Elle a tout simplement mise à mal notre projet. Mais nous sommes prêts à rebondir… Suspens ! :-P
La petite Loutre aime beaucoup marcher avec nous ! |
Comment ne pas se sentir rien du tout devant tes paysages aussi grandioses ? |
Chic petit déjeuner au camping ! |
Le loup, plutôt fier de lui ! |
Eh ! Mais c'est mon sac !! |
Grotte du hibou |
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*Ouyn est le personnage principal de mon livre, en vente dès demain !!
Ton article m'a beaucoup touchée, pour plein de raisons. Ton Loup est magnifique! On ne veut de mes chiens non plus, en vacances... (il faut dire qu'ils sont dans la catégorie Ours...)
RépondreSupprimerJ'aurais été curieuse de connaître pour quelles raisons tu as été touchée par mon article...
SupprimerDes chiens ours ! Ça doit être impressionnant c'est sûr ! As-tu trouvé des solutions pour que tout le monde y trouve son compte niveau vacances ? Finalement nous avons fait beaucoup de randonnée, le loup était super heureux.
Les photos sont magnifiques! La remise en question est légitime, et je suis certaine que vous avez trouvé de quoi rebondir!
RépondreSupprimerTu sauras tout dans un futur article bien-sûr ! Je fais exprès de ne pas tout révéler d'un coup...
SupprimerLa plupart des photos ont été prises par L'explorateur. Il met des plombes à faire ses réglages mais le résultat est super concluant.
Bisous !
J'ai découvert votre blog il y a quelques semaines via la sélection hellocoton. Très intéressant de vous lire. Je me permets de commenter cet article, qui n'a pas du être simple à écrire. C'est une très belle qualité que de reconnaître ses limites, de les admettre et de chercher une autre solution. Vous semblez être quelqu'un de foncièrement positif, c'est ce qui transparait de vos écrits en tous cas. En ce qui me concerne, avec ma fille de 23 mois, je cherche au contraire la sécurité et à rester dans notre zone de confort que nous avons, tant bien que mal, créé autour d'elle. J'ai hâte de lire votre plan B, qui ne manquera pas de créativité!
RépondreSupprimerMerci Amandine pour ton commentaire ! Cela me fait bien plaisir de te rencontrer :-)
SupprimerOui, ce ne fut vraiment pas facile pour moi d'avouer que les plans que nous avions tiré sur la comètes étaient totalement irréalisables sans y laisser des plumes ! J'avais peur que mes doutes annulent complètement notre projet de vie et j'essayais tant bien que mal de ne pas y penser… jusqu'à ce que l'Explorateur parle à ma place ! Merci à lui !
Ta fille n'a que 3 mois d'écart avec la mienne ! C'est curieux, je me sens automatiquement proche des parents qui ont des enfants du même âge que ma fille… enfin :-) Notre grand projet vise également à nous rapprocher de notre zone de confort, car la vie est assez difficile pour nous en ce moment. Nous nous sentons loin de nos rêves, de nos valeurs, de nos priorités… Mais notre zone de confort n'est pas commune et c'est à nous de l'inventer.
Maintenant que je réfléchis à cette idée (car je viens de me rendre compte en t'écrivant que c'est bien ça que nous voulons : trouver une vie qui nous est plus "confortable") je me dis que c'est pour tout le monde pareil, non ? Chacun, chaque famille, se doit de chercher son équilibre, car il est unique pour tous.
Je me souviens.. c'était avant les enfants, les débuts de notre couple. Nous sommes partis trois en Auvergne, le sac sur le dos avec une petite tente. Nous ne savions pas pour ma maladie, je n'avais jamais pris la mesure de mon corps, ce qu'il peut ou non faire..
RépondreSupprimerTrès vite, c'est lui qui a porté mon sac, il avait un sac sur le dos et un devant. Il gardait le sourire mon amoureux, il est formidable ^^ Mais nous avons compris que plus jamais.
Je ne peux pas, et c'est une tristesse.
Alors je comprends ce qui vous pousse, tellement :) Il y a par contre, comme tu le dis dans le commentaire au-dessus, cette zone de confort à ne pas négliger, il y a ce que l'on veut, et puis il y a ce que l'on peut. Ce n'est pas toujours compatible, mais on adapte et puis on repart - autrement ^^
C'est tout à fait ça : on repart autrement ! Le principal est de garder une vie enrichissante et nos aspirations dans toute leur pureté. Il y existe tellement de façons de vivre, de voyager, de découvrir… qu'il serait dommage de rester braquer devant une solution impossible.
SupprimerC'est la vie, d'avoir plein de rêves et d'en laisser quelques uns sur le bord du chemin... ou pour plus tard ? C'est aussi ça qui est beau, de rêver :) Et si on en réalise quelques uns au passage, de ces jolis rêves (comme quoi, écrire un livre, par exemple, suivez mon regard), c'est déjà une chance infinie.
RépondreSupprimerMerci en tout cas pour ces jolies photos. Même la version courte de votre expédition fait rêver !
Moi ça me rendait vraiment triste de devoir renoncer à ce rêve. C'est pas comme un petit rêve d'enfant, c'est une idée qui murit depuis longtemps dans ma tête et dans celle de l'Explorateur. On en parle beaucoup "en théorie" mais nous n'avions encore jamais testé la "pratique". C'est chose faite. Et ça n'a pas marché du tout :-)
SupprimerNous avons donc adopté une autre démarche. Mais je ne vais pas trop en parler maintenant parce que sinon l'article que j'ai dans le collimateur tombe à l'eau !
Je veux avoir une vie épanouissante ! Pour qu'à l'âge d'être une sénior, je puisse me dire : ok, je suis fatiguée, ok j'ai bien compris que la vie n'était pas si facile que ça, mais qu'est-ce que j'ai vécu ! po-po-po… !
C'est surtout pouvoir dire le "Po-po-po… !" qui m'intéresse ^^
Nos vacances furent très belles et une fois ce malaise passé, nous étions heureux !
Merci pour ton commentaire ! A bientôt :-)
Bonjour Céline ! Je me demandais justement où en étais ce projet. Je te suis depuis un moment, sans commenter vraiment, enfin juste comme ça de temps en temps.
RépondreSupprimerIl y a les projets réalisables, et les autres, ceux qui finalement ne se font pas. Mais on y a réfléchit un temps alors ça compte un peu quand même. L'envie compte !
Pour ce qui est de la "zone de confort"... Il est très dur d'oublier tout ce qu'on connait, tout ce qu'on a toujours eu. A une moindre échelle, nous vivons à Djibouti depuis 2 ans. Avant nous avons vécu en Algérie. Oui, nous vivons bien. Mais nous avons dû apprendre à nous passer de certains conforts. Surtout à Djibouti. Oui, nous avons une belle maison, en rien comparable avec les conditions de vie des gens d'ici. Mais, il y a très souvent des coupures d'électricité, des coupures d'eau. Il fait très chaud, "seulement" 30 en hiver mais jusqu'à 50 voir plus en été. Il faut toujours chaud, jamais froid. Bref, tout ça pour te dire qu'il y a 10 ans, je n'aurais jamais imaginé abandonné mon confort habituel pour cette vie là.
Et aujourd'hui, j'ai du mal à me voir revivre dans un pays tout confort.
Alors, peut-être que ton projet vous semble impossible. Ou peut-être qu'il faut y aller plus doucement. Ne pas passe de tout à rien en une fois.Peut-être une transition, une adaptation du projet ... ?
Bon courage dans ton rêve en tout cas !
Coucou Tsilia ! Merci pour ton message :-)
SupprimerNous avons très vite trouvé comment adapter notre projet à nos envies et à ce que nous étions prêts à changer dans nos habitudes. J'en avais rapidement parlé dans un article un peu après celui-ci et depuis… nous sommes en plein travaux ! Nous travaillons beaucoup à la rénovation de notre "nouvelle maison" :-)
J'espère aussi que nous réussirons notre changement de vie et que nous pourrons dire la même chose que toi : "J'ai du mal à me voir revivre dans un pays tout confort" !
Bisous !
Bonne journée dans la chaleur de Djibouti !
Céline.