Comment commencer cet appel au secours ?
Je me doutais bien, en devenant maman, que la petite vie qui s'incrustait entre l'Explorateur et moi allait nous mettre face à face avec quelques dilemmes. J'avais entendu parlé du problème de se retrouver en amoureux, du problème des siestes, du coucher, du problème de la nourriture, de la propreté… J'étais finalement assez bien préparée ! Sauf que voilà, personne ne m'a jamais prévenue, personne ne m'en avait même parlé avant et pour une fois aucun blog ou article doctissimo ne traite de cette incompatibilité entre ma fille et moi qui ne fait que de devenir plus intense de jours en jours…
Voilà, ma fille a le désir d'apprendre.
Ce ne doit pas être le seul enfant dans ce cas, si ? Alors je ne comprends pas comment ça se fait que personne ne parle de ce problème !
Le désir d'apprendre chez un jeune enfant (ma fille a moins de deux ans, mais peut-être que ça continue plus longtemps encore) se traduit par une curiosité exacerbée pour tout ce qui se voit, se goute, se sent, se touche ou s'escalade. Notre petite loutre a également énormément d'intérêt pour ce qui s'écoute et se danse. Son regard est incroyable. Ses grands yeux bleus, ronds, pétillants, souriants, heureux d'explorer, et son sourire radieux qui dit mieux que personne : "Regarde maman, le monde est splendide et il y a tant de choses à faire !", je la regarde du coin de l'oeil et mon coeur se ravit à chaque seconde. J'entends parfois sa petite voix de farfadette décrire ce qu'elle expérimente. Les sons sont toujours de plus en plus clairs et diversifiés, je crois reconnaitre des mots de français. Elle fait aussi pleins de gestes, comme pour m'imiter lorsque que je signe à son papa à travers une vitre.
La vie est merveilleuse. C'est si facile d'être maman dans ses moments là ! Je lui montre quelque chose. Un petit truc, un verre, deux bassines, de l'eau, le transfert, et la voilà qui, le sourire jusqu'aux oreilles, s'applique avec une intensité incroyable pour des petites missions saugrenues et incompréhensibles.
Et tout est brisé lorsque le réveil sonne. Il sonne l'heure de mettre une couche. Il sonne l'heure de préparer son sac. Il sonne l'heure de rentrer à la maison. Il sonne le temps de lui dire : "Poulette, on y va."
Combien de fois mon coeur ne s'est-il pas serré en entendant son petit "non", à la fois plein de conviction et de supplication. C'est non maman, je reste, pars sans moi s'il le faut. C'es aussi, oh je n'ai pas terminé, ça m'intéresse, maman, s'il te plait ? Un jour, parce que j'en avais la possibilité matérielle, j'ai dit "Ok, on reste." Ma fille m'a dit merci ! Mais qui dit encore merci de nos jours ? Elle dit merci à sa façon, dans un souffle, "échi", comme un soupire de soulagement et de plaisir. "échi"…
Ma fille aime bien les portes. Elle les ouvre et les ferme avec acharnement et, de mieux en mieux, avec précision. Elle est plutôt petite et n'atteint pas les poignets de porte alors elle invente sa méthode. Cela prend un peu de temps mais ça fonctionne bien. Elle essaie avec toutes. Hier soir la petite loutre s'est entrainé avec le portail de sa nourrice. Nous avions depuis longtemps dit au revoir, le sac sur le dos, la porte d'entrée refermée. Et puis nous avons passé le portail. J'ai laissé la loutre l'ouvrir et le refermer. Elle a recommencé. Elle l'a ouvert dans l'autre sens, est rentrée, l'a refermé, a fait quelque pas dans la cours de sa gardienne, a fait demi-tour. Puis elle a ouvert le portail, est passée du côté du trottoir, a fermé derrière elle. Et elle a recommencé. Une dizaine de fois. Lentement. Précisément. Avec le sourire.
Je suis restée sur le trottoir pour faire assoir et relever Jedi (notre chien) en attendant. Le voisin passait devant nous avec son tracteur. Oui, nous habitons à la campagne, ça aurait pu être tout aussi bien un scooter. A chacun de ses passages il me regardait en riant. Il avait l'air de me dire : "Oh ! Vous êtes toujours là ?" Ca n'en finissait pas. Et soudain, le portail ne s'est plus ouvert. J'ai appelé ma fille, je n'ai rien entendu en retour. Alors j'ai suivi sa trace. Elle était partie explorer le jardin de sa gardienne. Je lui ai dit de venir, qu'on rentrait à la maison. Elle m'a dit "non". J'ai compté jusqu'à cinq, lentement. A chaque nouveau chiffre, ma loutre souriait toujours plus, comme si ces nombres mit l'un après l'autre dans l'ordre la ravissaient. Et je l'ai prise dans mes bras.
Elle a hurlé. Elle s'est débattue. J'ai failli la laisser tomber, je l'ai retenue juste-juste. Elle criait encore. J'ai marché comme ça plusieurs pas, ma fille hurlant dans les bras. Les choses se sont tassées lorsque je lui ai nommé très précisément toutes les voitures que nous voyions : "un 4x4 marron-gris avec des pneus usés" ou "une voiture familiale break à la peinture métallisée"… Et ses cris ont repris lorsqu'elle a vu une pâquerette qu'elle ne pouvait pas atteindre.
Quelque soit le temps que je lui laisse pour se préparer à un départ (5 s, 30 s, 5 min, 30 min ?), c'est toujours le même cirque. Alors ma question est la suivante : Comment gérer l'envie irrésistible d'apprentissage de ma fille avec ma vie absurde d'adulte qui donne une heure précise à chaque chose ? Comment faire pour éviter ses pleurs de rage parce que ma fille se sent trahie lorsque je l'empêche d'évoluer à sa guise ? Comment faire la part des choses entre son droit à l'apprentissage et nos contraintes ? Comment ne pas brider sa grande capacité de concentration ?
Je précise qu'il ne s'agit pas ici d'un problème d'autorité. Ma petite loutre est toujours prête à m'écouter lorsque je l'interromps pour lui dire : "non, pas ici parce que je ne te vois plus" ou "gare-toi plus loin, une voiture va passer".
Avez-vous déjà été confronté à ce problème ? Comment avez-vous géré la chose ?
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Céline.